Shaynning
Libraire @ Librairie Monet
Intérêts littéraires : Biographies, Jeunesse, Littérature, Psychologie, Arts, Bande dessinée, Loisirs

Activités de Shaynning

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Blaireau et Putois T.1: Blaireau et Putois

Par Amy Timberlake et Jon Klassen
(4,0)
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Incontournable Février 2022 Version courte: "Blaireau et Putois" est un roman à couverture rigide illustré destiné à un lectorat jeunesse d'environ 9-10 ans, où deux animaux aux antipodes l'un de l'autre deviennent colocataires. On notera dans le récit une ouverture à la différence, au danger des préjugés persistants, aux joies simples, ainsi qu'une mise en garde contre les mots blessants et la rigidité d'esprit. Roman universel qui convient à tout groupe d'âge par la porté de son message, cette histoire aux accents tantôt comiques tantôt dramatiques s'ajoute aux bons romans des états-unis destinés à la jeunesse. Version exhaustive ( parce que les bons livres méritent qu'on s'y attarde un peu): Petit point erroné ici: il y a une erreur évidente par rapport au titre. Dans la version originale "Shunk and bagder" aura du être traduit "Moufette et blaireau". Ce constat se confirme quand on observe les images de Klassen: C'est bien une "moufette", l'animal à fourrure noir barrée de blanc, ayant une queue touffue. Le "putois" est un animal européen au pelage brun, à la queue mince, mais qui dispose du même système de défense malodorant. Donc, on a le bon animal en dessin, mais pas dans le texte. En faisant quelques recherches, la confusion est fréquente et ce genre d'erreur ne fait qu'accroitre plus encore cette confusion. Considérant que l'histoire est états-unienne et les images également, il me semble qu'il aurait fallut garder le bon nom pour "Moufette". le mot "putois" n'est pratiquement pas utilisé en Amérique du nord et avec raison: on en a pas! Même constat pour Lula, qui est une "martre des pins" dans la version présente, mais une fois encore, cet animal est européen uniquement. La martre à tête grise en revanche, est américaine. Je sais qu'on traduit parfois avec des animaux connus des jeunes, mais c,est une mauvaise idée. Ça risque surtout de semer la confusion et ne respecte pas l'origine de l'autrice et de l'illustrateur. Je vois mal comment on pourrait changer un panda ou une girafe par un autre animal, par exemple. Mais j'extrapole là. Sinon, qu'avons-nous? Une histoire de colocataires, avec ce côté vieillot qui me rappelle ces vieilles histoires en littérature jeunesse où on remplaçait les humains par des animaux pour faire passer des messages. Parce que c'est bien de ça qu'il s'agit au fond: traduire des réalités très humaines: celle des préjugés ethniques, des habitudes rigides et de l'amitié. Blaireau est un spécialiste des "roches et minéraux", il y consacre religieusement tout son temps, de manière routinière qui ne déroge jamais à quelque variantes fantaisistes que ce soit. Mais la maison de grès brun qu'il habite n'est néanmoins pas sa propriété. Elle lui a été prêtée par Tante Lula, une martre, qui veut lui donner une chance de mener ses projets de recherche tout en gardant la tête hors de l'eau côté finances. Mais sa tanière de quiétude organisée va être investie d'un nouvel habitant: Putois ( qui est une moufette). Putois est malheureusement victime de la réputation des gens de son espèce et Blaireau, quand il apprend que Putois est son nouveau colocataire, lui fait un accueil vraiment peu respectueux ( Notamment lui donner le placard comme chambre). Cependant, comme on s'en doute un peu, Putois n'est pas le petit animal malpropre de base extraction comme semble le penser Blaireau, mais au contraire un animal cultivé, curieux, enjoué, socialement engagé et même habile cuisinier. Il lui fait faire connaissance avec les poulets du quartier, lui fait découvrir des livres et partage ses succulents déjeuner en échange de sa contribution au lavage des plats. Bref, tout semblait aller bien et peut-être même lui faire regretter d'avoir demandé à Tante Lula de le faire partir, jusque dans une situation particulière, Putois doive se servir de son "jet" pour chasser un très déplaisant rôdeur. Alors, Blaireau utilise le mot de trop. Il est difficile de ne pas voir ici les préjugés de certains états-uniens contre les minorités visibles comme les communautés racisés comme les afro-américains, les autochtones, les mexicains, les chinois, les immigrants/migrants fraichement débarqués et même la communauté LGBTQIA+ ( Quoique ces groupes peuvent avoir les mêmes soucis ailleurs dans le monde, mais je m'en tiens à ceux du pays concerné) . Tous ces groupes qui ont des étiquettes de "nuisibles" à un moment ou à un autre de l'histoire de ce pays ou dans certains foyers actuels. Ce n'est pas toujours simple, mais l'élément clé est de donner la chance au coureur: Quand on ne connait pas la personne, autant lui donner une chance de se faire connaître. le problème avec les préjugés, ce n'est pas d'en avoir, c'est d'arriver à passer par-dessus. C'est un roman tranquille, je dirais, très tranche-de-vie, avec ses petits moments mignons, ses petits amicaleries maladroites et ses péripéties cocasses. Ces poulets m'auront turlupinés un peu, tout-de-même: est-ce que ce sont des équivalents de chats? Ou des membres de la communautés? Comme il y a une librairie pour poulet, je suis tenté d'aller pour la seconde option, mais que penser du fait qu'ils ne parlent pas comme tous les autres animaux? Simple différence de langue, peut-être. Comme je les ai trouvés choux ces poulets! Côté écriture et sujet, je dois avouer que suis perplexe- dans le bon sens. Comme le tout est simple à lire, j'aurais tendance à dire que les 9-10 ans devraient être à l'aise, et en même temps, je me demande comment ils vont percevoir cette histoire, qui me semble presque destinée aux adultes. Curieusement, la tolérance, c'est souvent plus un enjeu d'adultes que d'enfants, parce qu'ils sont assez généralement plus tolérants face à la diversité ethnique. Je pense que ce roman est peut-être tout simplement de ce genre qui peut être universel. Les personnages sont adultes, d'ailleurs, ce qui est somme toute rare en littérature jeunesse. En ce sens, je verrai même ce roman dans les mains de nos aînés qui se cherchent une histoire au français pas trop compliqué et au format plus court que les romans usuels pour adultes. Des intéressés? Sinon, ce côté "adulte" est peut-être aussi accentué par le style d'illustrations de Klassen, que je trouve naturellement vieillot avec ses tons sépia, ses lignes hachurées et le style des vêtements et autres objets. On pourrait aussi bien être en 1950 qu'en 2022 - quoiqu'il n'y a d'écrans nul part et on communique par la poste. Et puis, cette passion pour les pierres m'aura bien fait sourire, parce que je pense à mes petits lecteurs qui les apprécie, eux-aussi. Vous seriez étonné de voir combien de jeunes aiment admirer la diversité des minéraux et roches, on vend même des boitiers avec une douzaine d'entre elles pour nos amateurs en géologie. Alors quand je vois ces même pierres sur les pages de garde, je me fais la réflexion que ça peut sembler "vieux" comme sujet, mais en fait pas tant que ça. Pour en revenir à Blaireau, notez que sa passion qui occupe ces jours et ses pensées semble suivre une progression très lente qui génère une vie très routinière. Même repas de céréales, même 12 articles à l'épicerie. Blaireau ne s'est même pas rendu compte des merveilleuses boutiques à deux pas de chez lui! Une librairie, un magasin de tartes, un parc! Donc, au-delà du simple sujet de la tolérance et des jugements persistants, il y a une dimension très intéressante sur le plan de la "vie" dans son sens global. Profiter de la beauté de Mère Nature, développer des liens et des relations sociales, se trouver des hobbies, tenter des expériences, gouter de nouveaux plats, etc. "Sortir de sa zone de confort". On oublie trop souvent que ce sont les petites choses qui font les grands bonheurs ( ou du moins le bonheur durable). Blaireau va évoluer avec Putois ( Arf, "Moufette!) parce que celui-ci a justement compris cela. Il vit avec un tel enthousiasme pour tellement de petites choses, s'en est beau à voir, et il embarque Blaireau dans cette vision de la vie. Ça me rappelle l'adage suivant: "Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin". Dernier petit point que j'aimerais mettre en lumière: Cette idée du "mot de trop". Dans ce roman, c'est le terme "Nuisible" qui est le gros mot tabou, celui qui désigne en un mot le ressenti à l'endroit du groupe visé par le stigma. Les mots font mal, quand on connait leur contexte précis. En cela, malheureusement, chaque groupe minoritaire a les siens. Même les femmes, à une époque, avec comme mot phare "Incapable". Je pense que c'est un bon choix de l'autrice d'avoir su mettre un accent particulier sur les mots qui font mal, au-delà des gestes blessant et des considérations moindre qui sont souvent aussi du lot. Parce que les mots, les enfants les apprennent à l'école, on peut encore travailler là-dessus, avant que devenus adultes, ils les intègrent et les emplois à mauvais escient ou de la "mauvaise" façon. Comme ici. Les mots peuvent blesser, parfois même plus qu'une gifle, parce qu'ils deviennent alors des fardeaux qui nous suivent partout, comme ce pauvre Putois, qui traine "Nuisible" sans doute dans sa petite valise rouge ficelée. Tiens, me voilà poète! Enfin, l'ouverture de la fin est très jolie et pleine d'espoir, avec un Blaireau pleins de projets et moins matérialiste, et un putois enfin considéré à la hauteur de sa bienveillance et de sa personnalité solaire. Peut-être y aura-t-il une suite? Et on a même un symbole très beau à la fin avec cette patate qui germe aussi surement que l'amitié des deux colocataires. Un roman universel, donc, et un bel ajout à la littérature jeunesse états-unienne assurément, bien amené et où tous les groupes d'âge peuvent assurément y trouver leur compte. Attention, c'est souvent le cas en jeunesse, mais ici je pense que c'est simplement plus évident. "Blaireau et Putois" est un peu comme un sucre à la crème, ça fond dans la bouche, réconfortant, et ça a de petites notes nostalgiques tout en restant assez classique. Pour un lectorat à partir de 9-10 ans en montant.
Shaynning a commenté et noté ce livre

L'expedition

Par Stéphane Servant et Audrey Spiry
(4,0)
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Incontournable Avril 2022 Je n'ai pas pu détacher mes yeux de cette incroyable couverture, si pimpante de couleurs et si vibrante de vie, avec une femme qui semble seule maîtresse d'elle-même. Cet album tient du récit, mais il est aussi semblable à un carnet, le genre qu'on gribouille et rempli un peu au hasard des trouvailles dans les marges. Surtout, c'est le périple de cette femme, qui a su tôt que la mer l'appelait, à la manière de Moana ( Qui s'appelle Vaïana en France). Elle construit son propre navire, un amoncellement hétéroclite plus qu'un vrai bateau, mais une embarcation qui va néanmoins tenir et la porter de par le monde. C,est une mer peuplée de monstre et des ports peuplés de gens de tous horizons qu'elle va croiser, entre deux vagues déchaînées. Et elle va même croiser la route d'un petit enfant tout clair, qu'elle va adopter et porter sur les mers à son tour. Et un jour, alors blanchie par le poids des années, mais l'oeil toujours vif, qu'elle va trouver un coin de paradis, une île dont elle rêvait. C'est là qu'elle va léguer son bateau à cet enfant devenir adulte sans même s'en rendre compte. L'expédition s'achève peut-être pour elle, mais elle vient de prendre réellement son envol pour son enfant. On respire la liberté dans cet album, où la richesse n'est pas dans le matériel, au contraire, car l'héroïne semble plutôt avoir peu et son bateau restera l'amas d'objets dépareillés qu'il était au début. Sa richesse était dans ses rencontres, ses expériences et le fait qu'elle jouissait d'une liberté totale. Sa liberté s'est d'ailleurs amarrée à celle d'un enfant, qui lui a littéralement bondit dessus, comme s'il l'avait attendu et espéré. Et au final, son paradis n'a rien d'une maison immense ou d'un trésor, mais a plutôt la forme d'une terre magnifique, une nature généreuse et des couleurs plus éclatantes que jamais. En un mot, je dirais qu'on a ici un bel exemple de simplicité volontaire, ou encore cette faculté de certaines personnes de voir le merveilleux dans le voyage. Ça me rappelle l'album "la fille à moto", qui avait des airs similaires: une jeune femme a décidé de faire le tour du monde en moto et c'est au gré de ses rencontres et ses aventures qu'elle a vu la beauté du monde. Il y a de quoi rêver. C'est une histoire vraie, en plus. Bien sur, le texte n'est pas le seul à faire rêver, regardez moi cette couverture! Regardez moi ces couleurs généreuses et vives! de près, ça ressemble à une peinture à numéro de bon calibre, avec ces petits espaces qui se touchent sans se mélanger. Mais de loin, ça respire, ça bouge, ça se dévore des yeux. Il n'y a pas de contours, c'est juste des couleurs qui se lèchent et se côtoient en une suite d'illustrations à la dynamique fluide comme l'eau. Très intéressante technique, franchement, j'aime beaucoup. Ça me rappelle mes cours d'histoire de l'art, avec ces grands amateurs de couleurs un brin psychédéliques. de quoi stimuler la vu de nos jeunes lecteurs, assurément. Aussi, et je termine sur cette note, j'adore les personnages, même aussi brefs. J'ai vu des parents encourager, soutenir et aimer leur fille, à grandes poussés ver la mer. Un vrai trésor en soi, selon moi, que de laisser les jeunes rêver et s'accomplir, grâce au support parental. J'ai vu une jeune fille croire en son projet et vivre pleinement, à contre-sens des préceptes de société, peut-être, mais quelle fille courageuse et entière! Un album dont les riches couleurs nous bercent le temps d'une formidable expédition. Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans, mais qui peut aussi faire rêver les 6-7 ans. *J'estime que le volet plus philosophique de l'album sera sans doute plus perceptible par les 8-9 ans en montant.
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La maison des maiko T.1

Par Aiko Koyama
(4,5)
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Depuis quelques temps, j'aime bien papillonner ça et là entre les tranche-de-vie seinen ou josei, ces mangas réalistes qui s'intéressent à des aspects sociaux ou culturels de personnages japonais ou coréen. Ils ont quelque chose de léger et d'accessible qui fait du bien, et qui donne un autre visage aux pays asiatiques. Dans cette optique, je suis tombée sur ce premier tome d'une série avec comme sujets la cuisine et l'univers clos des geishas, plus précisément les "Maïkos", des appentis-geisha de la région de Kyoto, dans un cadre contemporain. Kiyo est entrée dans une école formant des geisha avec sa meilleure amie, dans l'intention de devenir maïkos. Ce sont des artistes polyvalentes dont la maitrise de multiples arts traditionnels japonais se fait sur de longues années. Les apprentis vivent dans une "okiya", une maison géré par une "mère" ( une geisha d'expérience) où elles vivent en groupe et dont tous les espaces sont collectifs. Dans la petite okiya où Kiyo et son amie Su vivent, la cuisinière vient de se blesser davantage au dos, ne pouvant plus, dès lors, s'occuper des repas. Lasse et dégoutées des bentos de dépanneurs/supérette, Kiyo se propose alors de prendre en charge les repas et ce, d'autant plus qu'elle s'apprêtait à rentrer chez elle. On lui a en effet fait savoir qu'elle n'avait pas ce qu'il fallait pour être maïko...En revanche, elle a de bonnes bases en cuisine. Nous suivons Kiyo dans son train-train culinaire dans la maisonnée. Entre deux recettes, nous en apprenons sur ses origines, mais on se heurte aussi à ses petits tracas domestiques. Kiyo n'a que 16 ans, elle devrait donc être en classe. Ce simple élément est un enjeu en lui-même, notamment quand un policier la prend pour une fugueuse, alors qu'elle ne faisait que son épicerie. Kiyo et les autres personnages féminins ont de petits corps, des têtes très rondes et une bouille enfantine. Je trouvais qu'avec un graphisme aussi "mignon" et un sujet aussi féminin que ce manga soit classé "shonen", je le trouve beaucoup plus "shojo". La vie dans l'okiya est paisible, bon-enfant, il n'est pas question de rivalités intestines, de jalousies ou de chamailleries, ce qui en soit est très apprécié: C'est désolant la surreprésentation de la mésentente féminine, c'est donc bien d'en avoir des positives de temps en temps. Il faut aussi dire qu'une okiya est une maison "familiale", on y vit ensemble. Les jeunes femmes sont donc aussi des "soeurs", en un sens. Bien sur, on en apprend sur le monde mystérieux des geishas. C'est la première fois que j'en croise dans un manga à l'époque contemporaine, mais j'en ai entendu parlé dans l'un des livres de la collection "Mon Histoire" de la maison Gallimard, intitulé "Maïko: Journal d'une apprenti-geisha". Les deux livres ont des éléments communs. On y parle des vêtements, on y parle de ces drôles d'oreillers très minces sur lesquels les maïkos dorment pour ne pas défaire leur coiffure ( qui est longue à faire et peut durer une semaine si on est prudente), on y parle des okiyas et de leur aspect familial. Dans les deux cas, être maïko, devenir geisha, est une vocation. J'ai bien hâte d'en apprendre plus dans cette série, qui est une vraie petite douceur, rempli de superbes kimonos, de plats à l'apparence succulente et de péripéties du quotidien. Pour un lectorat adolescent du premier cycle secondaire, 12-15 ans+ **Mais les 10-12 du lectorat intermédiaire qui s'y intéresseront pourraient très bien le lire aussi.
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Maydala Express

Par Davide Morosinotto, Pierdomenico Baccalario, Germain Barthélémy et Marc Lesage
(4,0)
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Incontournable Mai 2022 Comme la plupart des pavés de plus de 400 pages tel que ce roman, une question s'impose - et vous sera posée de toute manière au début de ce roman: Quel sorte de Lectrice/Lecteur êtes-vous? Une question somme toute pertinente, qui interroge l'axe de notre "façon" de lire. L'additivité est souvent un critère posé par les lecteurs, mais attention, toutes les histoires ne sont pas forcément "addictive" parce qu'elles se lisent vite. Certains Lecteurs comprennent que parfois, c'est la magie du livre qui nous empêche de le fermer, même si le rythme en lui-même peut être plus tranquille. Je cite par exemple les romans de Victoria Schwab ou ceux de Kelly Regan, qui sont de ceux-là, parce que leur autrice privilégie le détail et la jolie plume sans mettre l'accent sur un rythme rapide. Et ce roman est dans cette catégorie, de ceux qu'il faut savourer, et non expédier. En faites-vous parti? Dans un univers qui pourrait être le nôtre - mais qui ne l'est pas - tout le réseau ferroviaire, gares, trains et stations, appartiennent à un magnat des affaires, le jeune et froid J.P Mortimer. La compagnie Speester. Toutes? Non. Un petit train d'à peine sept wagons résiste encore et toujours à l'envahisseur. Il occupe la rame 1001, connu de rares passagers et teinté d'une aura mystérieuse. Quand la jeune Finally, avec ses dix ans tous mouillés, heurte par hasard l'assistant du contrôleur du Maydala Express, deux objets sont échangés de manière fortuite. La jeune orpheline et humble balayeuse pour la compagnie ferroviaire se retrouve en possession d'un billet pour le Maydala Express. Un billet qui n'indique pas sa destination. Tournant le dos à une vie misérable et sans perspectives d'avenir, l'aspirante-mécanicienne y voit un billet simple pour la liberté. Elle s'embarque, avec plusieurs autres personnages forts colorés, pour le voyage de sa vie. S'ajoutera en cours de route l'agile cambrioleur Lemury Nevsky, un jeune homme qui fuit une coriace enquêtrice. Dans l'ombre, le milliardaire ayant le monopole sur les trains veut plus que tout mettre la mains sur ce dernier train. Sur sa dernière station, la plus éloignée du monde connu, plus que tout. Et à tout prix. Comme c'est bien trouvé comme nom, il me semble. le Maydala est exactement ce qu'il me semblait être au départ: une aide. Un précieux coup de pouce. Un fabriquant de rêve, mais également le trait d'union entre la personne et le champ des possibles. Mayday, donc. Vous comprendrez mieux quand vous le lirez. Je ne peut pas divulgâcher cette partie. Quoique je suis peut-être complètement à côté de la traque ( jeu de mot!) et que "Maydala" a été choisi pour son sens réel. En tagalog, ça veut dire "Porteur", ça fonctionnerait, mais comme c'est une langue des phillipines...trop de détails. Pardon. "Maydala Express" est un roman d'aventure de style Steampunk, en atteste ses automates, ses rouages, ses trains et ses villes. Mais le panorama ne se limite pas au style victorien anglais du genre, on retrouvera aussi des influences d'europe de l'Est, du Moyent-Orient et du Grand Nord russe. C'est un train qui s'arrête à divers endroits, après tout. C'est en outre un univers qui m'aura évoqué le jeu "Sybéria", dans lequel une jeune avocate se retrouve dans l'obligation de courir après un héritier perdu d'une importante compagnie d'automates. Elle se retrouve à voyager dans un train à ressort avec l'aide d'un automate contrôleur-pilote-machiniste-homme-à-tout-faire, parcourant de la France aux tréfonds de la Sybérie, en passant par l'Europe de l'Est. Même décor incroyable. Même impression de grandeur. C'est d'ailleurs Sokal le bédéiste qui en a dessiner les décors. Bref. J'ai apprécié de voir ce jeu magnifique transposé dans un roman avec la même tranquillité et le même soucis pour les détails des lieux. Il y a pleins d'éléments intéressants dans la construction de ce roman italien ,avec sa narration suivant plusieurs héros à la fois, appelés à se rejoindre autours du Maydala, avec la présence des gravures et des montages photos qui ponctuent les différents blocs, chaque bloc étant une destination. Aussi, il y a la présence de ce texte en forme de lettre au début, qui traite de la différence de lecture entre roman expédiés et romans dégustés ( comme un gâteau!). La psychologie des personnages n'est pas spécialement abordée, mais on perçoit tout-de-même les traits de chacun d'eux. Ils sont plusieurs, d'âges et d'ethnies diverses. Déjà je dois dire que d'avoir deux héros centraux avec une telle différence d'âge est peu commun. Finally a dix ans et Lem quelque chose entre 18 et 20 ans. Un jeune adulte, donc. Ça me plait: ça change complètement le rapport qu'ils peuvent avoir ensemble, plus coéquipier je dirais, et nous épargne une énième romance juste parce que c,est un duo fille-gars, merci bien! Finally est la jeune orpheline typique: une faculté à rêver plus loin, une certaine naïveté mais aussi une grande débrouillardise. Elle prend en estime au fur et à mesure qu'elle se découvre des forces et qu'elle s'attache au train et ses habitants. Lem est une sorte de gentleman cambrioleur. Il a même un costume: un masque et un chapeau blanc. Il se fait appeler la Primevère ( il y a cette fleur sur son chapeau) ou le Ramoneur blanc. Il a mit la mains sur le Coeur de l'Afrique, le plus gros diamant du monde, mais pas pour les motifs qu'on prête d'ordinaire à ce genre de criminel un peu dandy. Niveau compétences sociales, franchement, il a du pain sur la planche! le nombre de bourdes qu'il fait en parlant à Finally...Bref, on a donc un duo plus apparié qu'on ne le pense, similaires plus qu'il ne semble. On a un micro-espion, l'indéniable indice du genre Steampunk - qui est impliqué dans les évènements, mais qui au final, n'aura jamais été débusqué. Sa perspective donne l'impression qu'il est un gadget incroyable malheureusement peu estimé. Il pourrait sembler peu important, parce que ses passages dans l'histoire ne révèlent pas grand chose, mais c'est le relais entre les héros et les antagonistes. Son rôle est donc crucial malgré sa minuscule taille. L'antagoniste et ses sbires a quelque chose de très humain, malgré son tempérament pointilleux et froid. Il est de ces "vilains" qui ne comprennent tout simplement pas. Il veut quelque chose dont il ne possède pas la qualité intrinsèque pour la découvrir. Il est aussi revanchard et compte tenu des circonstances, on peut compatir d'une certaine manière, sans cautionner ses actions contre le petit train et son personnel. Les Méchants n'ont pas à être dénué de qualités, après tout. On a aussi une enquêtrice, Mélanie Tipps, sur les traces de la Primevère - donc de Lem, l'homme de mains de Mortimer, aussi désagréable qu'étonnamment phobique de l'eau, le Contrôleur scrupuleux et bienveillant du Maydala, ainsi que son équipe. Et je ne parle pas des passagers! C'est étonnant de voir comment, en quelque coups de plume, on cerne assez bien le style de chacun. Et surtout, hormis deux personnages qui connaissent leur destination, les autres, non. On ne peut s'empêcher de se demander où et pourquoi le Maydala les fait sortir à une station plutôt qu'une autre. Oui, parce que le Maydala est forcément un personnage, à ce stade. Décrit dans ses moindre détails, d'une technologie aussi avancée que multifonction, il "décide" aussi à quelle station chaque personne descend. Enfin, le "machiniste" décide. Mais curieusement, on ne le voit jamais ce machiniste...Le Maydala fait rêver à lui seul. C'est l'idéal du train, avec sa beauté, sa polyvalence, ses nombreux accommodements, sa bibliothèque ( oh, Joie!) et ses nombreuses singularités, tel le système de traction pour les pentes qui le fait ressembler à un Mille-Patte! N'importe quel Lecteur pourrait se voir gentiment assis à son bord en quête d'évasion. Fait à noter, le Maydala n'est pas rapide. Un petit clin d'oeil à notre incapacité chronique à savoir profiter du temps? À vous de voir. C'est un roman qui possède cette "magie" qui caractérise les romans construit dans le but de faire rêver. Si vous vous laissez bercer, vous ne verrai pas le temps filer. Si nous suivons les pérégrinations des deux jeunes passagers au coeur d'un complot, nous les suivons aussi déambuler dans les villes, s'évader dans leur tête et espérer un avenir. En y réfléchissant, c'est parfois, c'est au moment les plus tranquilles que peut s'imposer certaines vérités ou certaines idées. C'est également quand le champs de possibles s'ouvre, imaginaire aidant, qu'on peut trouver des solutions. Et c'est aussi en se créant des amis qu'on peut se découvrir des forces susceptibles de nous pousser en avant. Enfin, j'aime le message ambiant du roman sur la question du temps. Arriver vite d'un point A au point B, vivre sa vie en accélérer et RENTABILISER le temps ( ARG! Horreur, je hais ce mot) La question de vivre en appréciant chaque facettes de notre vie, incluant les petites choses, on sait, ça devrait en principe être considéré. Mais c'est dur, n'est-ce pas? Notre société au grand complet est faite de manière à meubler chaque secondes de notre vie. Il impose un mode de vie rapide, structuré et surtout pleins. Viens alors l'évasion, que ce soit par le voyage ou par la Culture. Mais même là, on multiplie les sorties, on prend des moyens de transports rapides, rivés à nos écrans pour meubler cet intervalle. Pensez-y. Quand regarder par la fenêtre le paysage est-il devenu "ennuyeux"? Quand le rythme d'un roman est-il devenu un critère? Quand le voyage est-il devenu la destination, et non le voyage en lui-même? (Bon, il se sent d'humeur philosophique s'te libraire, visiblement!) Dernière chose: si vous êtes du genre à avoir besoin de toutes les explications clairement définies, avec une clôture claire...sachez que la fin est très partiellement ouverte ou laisse place à une certaine interprétation. En claire, on ne va pas vous faire un dessin sur un ou deux éléments, vous allez devoir extrapoler. Donc, pour conclure, Maydala Express est un roman aussi savoureux que les chocolats chauds qu'on y sert. J'espère dénicher des Lecteurs qui le dégusteront avec toute la considérations qu'il mérite et j'espère qu'à bord du Maydala, ils trouveront aussi bien un temps de répit qu'une irrésistible envie de découvrir plus encore le monde qui les entoure. Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans. Mais bien sur, pas besoin d'avoir cet âge pour vous y plongés, chers ados et adultes. Un détail impertinent supplémentaire, il aura fallu attendre 11 ans pour avoir enfin la version française de ce roman Italien, paru en 2011 en version originale. Un autre détail impertinent: Sur la couverture, cela peut prêter à confusion, car Finally et Lem sont représentés au même niveau d'épaules et avec des faciès similaires. Pourtant, je le rappelle, ils ont un gros écart d'âge. Finally me semble donc bien plus vieille sur la couverture française, surtout comparée à la couverture italienne d'origine.
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Trèfle

Par Nadine Robert et Qin Leng
(4,33)
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Incontournable Août 2022 Trèfle est une vraie petite douceur, comme une guimauve à la pêche, aussi léger que pertinent. Le genre d'album qui sera aussi utile aux enfants qu'aux adultes: Accordez-vous du temps et de l'importance à cette petite voix au fond de vous? Trèfle aborde cette journée avec un petit soucis. C'est que ses nombreux frères et sœurs ont tous de si bonnes idées d'activités à faire que la petite Trèfle a du mal à arrêter son choix. L'un de ses frères, quand elle lui fait part de ses tergiversations, lui recommande de choisir ce qui lui tenterait le plus, quitte à faire les autres activités une autre fois. Quand la demoiselle décide d'aller à la rivière pour écouter le chant des grenouilles, avec un certain nombre des membres de sa fratrie, elle se trouve confronté une fois encore à un choix. Alors qu'elle caressait la tête des grenouilles, une des chèvres de son domicile s'éloigne dans la forêt. Trèfle se demande si elle devrait la suivre, alors qu'elle pourrait aussi se perdre. Sur son chemin, elle demande conseil à un grand chêne. Mais si la force de cet arbre vénérable lui apporte du réconfort, il est aussi muet. Trèfle choisit donc de suivre la petite chèvre nommée Pivoine. Mais en progressant plus profondément dans la forêt, Trèfle découvrit un petit oisillon au pied d'un arbre. Il est probablement tombé, songea Trèfle. Que faire? Grimper et le remettre dans le nid? Le laisser là et continuer à chercher Pivoine? Et s'il se faisait dévorer? Trèfle s'étendit près d'une rivière, et demanda conseil à celle-ci. Écouter la rivière était certes apaisant, mais d’aucuns conseils. Trèfle décida de grimper pour mettre l'oisillon dans son nid. Quand elle prit peur, elle chercha du courage dans le son du vent. Alors que la petite fille parvenait à rapatrier son petit passager au creux de son domicile, elle entendit alors autre chose entre les vents. On l'appelait. En effet, la journée s'achevait et le ciel s'assombrissait. Les frères et sœurs de Trèfle s'inquiétaient et munis de lanternes, s'étaient aventurés dans la forêt à sa recherche. Ils la trouvèrent à cet arbre et tous heureux de l'avoir retrouvée saine et sauve, la raccompagnèrent à la maison. "L'importance de faire ses propres choix" est définitivement un des éléments centraux de cette histoire. Quand on balance entre deux choix, il est important de prendre le temps d'y penser, également. Trèfle le fait à chaque fois, et si elle demande conseil aux éléments de la Nature, bien sur, il n'y a pas de réponses. Néanmoins, on peut observer l'état qu'ils inspirent. La force du chêne, l'apaisement du ruisseau, la berceuse du vent. J'aime bien le parallèle entre la réflexion et l'environnement - au sens figuré comme au sens littéral. Il ne peut pas nous apporter des réponses, mais il peut être inspirant. Mais plus important encore, quand on prend une décision qui nous semble être la meilleure, pour x ou y raisons, on suit aussi notre "petite voix", notre instinct ou conscience, appelez-là comme il vous plaira. Enseignez aux enfants à être attentif à cette petite voix s'avère essentiel, car au delà de la logique empirique, il y a des sentiments qui sont plus abstraits, comme la compassion, l’altruisme ou l'empathie.Trèfle nous l'illustre bien quand elle pense d'abord à la petite chèvre, qui pourrait se perdre, puis au bébé oiseau, qui pourrait ne pas survivre. Chaque fois, je constate qu'elle fait le calcul du bien être d'autrui. C'est une très noble qualité. Ce qui m'amène a remarquer un autre thème, celui de la bienveillance fraternelle/sororale. Trèfle est bien entourée, elle a des aîné.e.s qui ont sa sécurité à cœur, comme on peut voir quand ils se regroupent pour la chercher, même à la nuit tombée. En outre, ils sont bienveillants, quand ils s'intéresse à elle, à ce qu'elle veut faire, à ce qu'elle choisisse elle-même son activité au lieu de prendre la décision à sa place. On le sent bien dans l'histoire, ils ont une unité et ils s'apprécient. Nous sommes loin de ces fratries querelleuses et tapageuses. Enfin, la Nature - difficile de contourner ce thème, il est partout. À travers les superbes illustrations qui respirent la vie et le mouvement, on observe des enfants qui la connaisse et la respecte. C'est leur habitat, leur terrain de jeu, leur source de subsistance. De vrais petits enfants de la campagne. Et toute cette verdure, ces eaux claires et ses adorables animaux a quelque sort de réconfortant, d'apaisant. En observant ses enfants, on se prend à se dire que nous aussi, on aimerait être là. Un album qui tient aussi du roman, avec des chapitres courts, rempli d’illustrations en aquarelle, signée Qin Leng, à qui l'ont doit tant de beaux albums jeunesse au Québec. L'objet lui même est superbe, d'un rose pivoine - ben oui, comme la chèvre! Sur l'image, c'est la jaquette qu'on peut voir, mais en dessous, vous trouverez le titre et le personnage de Trèfle imprimé dessus en fuchsia métallique. Un style qui me rappelle les vieux albums jeunesse. Bref, une réussite qui devrait séduire tous les lectorat, garçons et filles, enfants et adultes, parce que c'est une leçon pour tous que développer son autonomie et sa confiance en soi en prenant des décisions. Et quand celles-ci sont prises avec le cœur tout comme la tête, que demander de mieux? Pour un lectorat à partir de 6-7 ans : c'est une longue histoire, il y a 74 pages avec quelques phrases, il faudra donc des petits lecteurs patients et attentifs.
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Tous les chemins de mon Papi

Par Céline Person et Mathilde Domecq
(4,0)
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Incontournable Décembre 2022 Je viens de réaliser ne pas avoir fait de critique sur ce charmant album, alors je m'y met! Dans cet album au trait doux et bleu, il est question d'un enfant et de son grand-père. le premier lui demande pourquoi il a des rides. le grand-papa lui explique alors que ce sont des "chemins", dont chacun illustre un passage de sa vie. Commence alors un jeu entre eux où le petit garçon demande l'histoire de chaque 'chemin": la guerre, un mariage, la paternité, etc. J'aime beaucoup l'axe positif de la vieillesse dans cet album, où les rides sont des marques d'expérience, et non des stigmates du temps. le petit garçon affirme même à la fin qu'il a hâte d'en avoir , des "chemins" sur le visage. J'ai souvent déploré chez des albums jeunesse ou des romans jeunesse des visions âgistes ou peu constructives du fait de vieillir. J'avais même lu une Bd où des "vieux" super-héros devenaient des concierges après une vie de gloire en temps qu'agent de la paix, illustrant le rôle social minable qu'il devenait le leur du fait d'être "vieux". Pas sympa pour les concierges non plus, d'ailleurs. Dans de nombreux albums, c'était des aînés sourds, grabataires et psycho-rigides que je voyais. Rappelons-nous que les enfants encodes facilement les constructions sociales et le fait que ces constructions se répètent augmente les risques qu'ils internalisent des concepts discriminatoires et erronées. Bref, un bel album tendre et constructif, sur une thème encore sujet aux stéréotypes âgistes, mais ici tourné de manière bienveillante et valorisante. Pour un lectorat préscolaire, 4-5 ans.
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La belle et le fuseau

Par Neil Gaiman et Chris Riddell
(4,33)
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Réécriture de contes, entre Blanche-Neige et La Belle au bois dormant, cet album jeunesse nous livre un récit croisé entre deux princesses célèbres dans un cadre beaucoup plus sombre et plus moderne. Nous sommes dans le royaume qui jouxte celui de Blanche-Neige, devenue reine et qui approche de ses noces sans réel enthousiasme. Trois nains, qui avait décidé d'aller lui acheter de la soie comme présent de mariage, trouvent un pays troublé. C'est que depuis quelques temps, une malédiction se propage dans le royaume, endormant tous les êtres vivants sur son passage. Alors que les habitants préparent leur évacuation, les trois petits hommes rapportent les sombres nouvelles à la Reine. Loin de se laisser impressionner, Blanche-Neige fait alors évacuer ses propres citoyens, confit les reines du pouvoir à son premier ministre et, parée de sa cote de mailles, prend son destrier et son épée pour aller dans le royaume maudit en question. Si elle a survécu à un an de sommeil magique, sans doute pourra-t elle survivre au fléau de sommeil qui ronge le pays voisin? Accompagnée des trois mineurs , la jeune femme se met en route. Tout d'abord, je suis impressionnée par la qualité du texte, vraiment magnifique et doté d'un vocabulaire soutenu. Néanmoins, compte tenu de cela, ce conte sera sans doute un peu difficile à lire pour les moins de 10 ans. De toute manière, vu la complexité de l'histoire, surtout la fin, je pense que ce conte servira mieux le premier cycle secondaire, nos 13 à 15 ans et plus. Ce conte réinventé et croisé est hautement féministe, en ce sens où les hommes et les femmes sont égaux. Ici, Blanche-Neige règne sur son pays et le fait bien. Ce n'est pas juste la parure en robe traditionnelle, mais une femme qui donne des ordres cohérents et prend les armes pour défendre sa nation. Et la nouveauté? Cette Reine doute. Elle ne sait pas si ce mariage avec le prince - prince qui ne fait pas grand chose d'ailleurs- est vraiment la voie à suivre. Et vous noterez que ce n'est pas parce qu'elle craint que le prince prennent toute la place, non, elle le formule bien au début: elle se voit devenir mère, souveraine ET guerrière ( sur le champ de bataille). Pour une rare fois, nous avons une VRAIE reine, l'égale d'un Roi. Et cette même Reine est appelée à briser la malédiction de la princesse endormie ( l'alter égo de la Belle au bois dormant), mais oh, surprise, nous ne sommes pas en présence de celle que nous croyions avoir affaire. Gaiman réinterprète les évènements entourant sa longue séance de dodo et donne aux habitants du royaume endormis un rôle beaucoup plus actif, presque "zombiesque". Ce n'est donc pas un conte tout beau tout rose, mais presque horrifiant. Certains détails dans le dessin - vraiment beau - viennent accentuer cette impression, comme la présence des crânes un pue partout, dont le couvre-lit de Blanche , les coquelicots noirs - dont ceux sur la couverture - le fuseau tranchant, les toiles d'araignée, les habitants en pleine crise de somnambulisme, etc. On flirte avec le genre ténébreux de Tim Burton, mais venant de Gaiman, ce n'est pas non plus surprenant - pensons à Coraline. Attention, divulgâche. L'antagoniste, à savoir la Belle aux bois dormant, se sert en réalité de son peuple pour se rajeunir au moyen d'un fuseau, qui tisse le lien vitale autours de celui-ci. C'est pourquoi ces gens sont plongés dans le sommeil. Ainsi, nous avons une "méchante" qui se voue un tel amour pour elle-même qu'elle prête à sacrifier la vie d’autrui à cette fin. En même temps, n'est-ce pas ainsi qu'on calcule la beauté et donc la valeur d'une femme? À sa jeunesse? Elle offre même à Blanche-Neige le rôle de Reine consort, mais attention, un rôle inférieur, qui n'implique aucune égalité, mais bien une soumission. Un petit axe LGBT ici? C'est donc une histoire assez intéressante que celle-ci, mettant en vedette des personnages féminins définitivement modernes et assumées. Il y a tout de même une certaine lenteur dans le récit , peut être à cause des descriptions, mais c'est vraiment pardonnable. Le texte est soignée, les illustrations sont belles, le récit troublant mais captivant, et le final s'ouvre sur quelque chose d'inédit - enfin, pour une version de Blanche-Neige. Et j'aime beaucoup cette couverture transparente, qui évoque les toiles d’araignées du récit. On doit les superbes images à l'auteur et illustrateur Chris Riddell, auteur d"Apolline", de "Lili Goth et , plus récemment, des "Chroniques perchées". On doit à Neil Gaiman, qu'on ne présente plus,"Coraline" et plusieurs excellents romans fantastiques chez les adultes. Un excellent album pour les presque-ado amateurs de récit un peu horrifiant et les contes réinventés, ou les plus vieux qui apprécie ce style. Catégorisation: Album Contes et Légendes Réinventés anglais, littérature jeunesse adolescente, premier cycle secondaire, 13-15 ans+ ( mais de bons lecteurs du 3e cycle primaire, 11-12 ans, peuvent aussi s'y essayer)
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Les carnets de l'apothicaire T.2: Les carnets de l'apothicaire

Par Itsuki Nanao, Nekokurage, Touco Shino et Natsu Hyuuga
(4,0)
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Un second tome qui met en lumière une protagoniste qui a non seulement une expertise dans son domaine difficilement contestable, mais aussi un esprit rusé. Mao Mao est le genre de personnage dont je me réjouis chaque fois de croiser, parce que ce personnage a enfin une personnalité qui est assumée. Dans ce tome, elle est à peine arrivée en tant que dame de compagnie et goûteuse de la rousse concubine Gyokuyo qu'elle est envoyée auprès d'une autre principale concubine, Lifa. Celle-ci, dans le tome 1 , a perdu son fils en raison de son exposition à la toxique poudre blanche que portait sa mère ( et les autres concubines). Lifa se meurt lentement, ce qui rend perplexe la jeune apothicaire. Elle a du mal au début à faire valoir ses méthodes, surtout alimentaires, car les dames de compagnies n'ont pas de notion élémentaire de nutrition et s'indigne de voir les repas en apparence vulgaires que tente de donner Mao Mao à la femme malade. Quand elle prend conscience que Lifa porte encore cette poudre blanche sur son visage, l'apothicaire entre dans une froide colère à l'endroit de la dame de compagnie responsable de cette application. En conséquence de quoi, Mao Mao prend les choses en mains. Littéralement. Mao Mao et moi avons un point en particulier en commun: on peste devant la stupidité. Ça m'a tellement fait plaisir de voir enfin un personnage s'en indigner proprement. Bon, je sais, la violence, c'est pas beau - méchante moi, mais à un moment donné, il y a bien des limites à la bêtise, surtout quand la vie d'une personne est impliquée. La dame de compagnie, devant la colère de Mao Mao, prétexte alors que puisque la dame se porte mal, être "toujours la plus jolie" devrait lui faire plaisir. Qu'est-ce que je disais: Stupide. Ces femmes qui croient toujours avec leur esprit limité que l'apparence est la seule chose qui importe sont de vrais cruches et malheureusement pour nous, elles sont encore légion dans la fiction. En outre, si nous devinions son côté atypique dans le tome 1, dans le second, c'est encore plus manifeste. Elle n'éprouve aucun regrets à employer la menace voilée quand la sécurité d'une autre concubine est à son tour menacée. Elle ne rechigne pas à "enlaidir" son apparence pour se prémunir d'agressions sexuelles. Elle a une colère "froide", terrifiante, mais logique et implosive. Elle ne rentre pas dans le rôle de victime, préférant rester dans celle qui doit s'adapter aux divers obstacles qui jalonne son chemin. Quand on lui manque de respect pour des raisons puériles, elle n'hésite pas à s'indigner de leur manque de considération et de gratitude. En plus d'être cartésienne, pragmatique et observatrice, elle cerne bien les gens. J'adore qu'elle reste de marbre devant le bel homme dont-je-ne-me-rappelle-jamais-le-nom-mais-qui-est-quand-même-louche. Dans nombre de manga, les personnages féminins qui font face à des mâles trop beaux trop avenants y succombent finalement. Mao Mao se demande surtout pourquoi toutes les filles se pâment pour lui, enfin une fille lucide! Mao Mao a donc un physique qui contraste beaucoup avec son tempérament solide, son esprit rationnel et sa capacité à défendre les autres, quitte à employer des méthodes brusques. Vraiment, c'est un beau personnage, qui sait se servir de ses acquis et a une grande conscience du monde qui l'entoure, auquel les mots "fragile", "stupide" et "soumise" ne sont aucunement des qualificatifs. Complots, chamailleries de filles en compétitions ( et sans doute beaucoup trop oisives d'un point de vue cognitif), empoisonnements, festival extérieur en pleins froid et codes sociaux mystérieux sont du lot dans ce second opus. Ça promet d'être intéressant. Le moins qu'on puisse dire de cet univers clos est qu'il est aussi faste et luxueux qu'hypocrite et dangereux. Et les illustrations sont magnifiques. Un contraste pour un univers où les violences sont justement "voilées". Une autre belle réussite. Pour un lectorat seinen ( adulte), qui peut convenir aux vieux ados et jeunes adultes. Catégorisation: Manga japonais seinen, littérature adulte Note: 9/10
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Tricoter du bonheur

Par Édith Bourget et Sabrina Gendron
(4,0)
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Incontournable Février 2024 La famille Petit Poucet s’agrandit avec un nouvel incontournable, sur les thèmes de la diversité corporelle, le tricot et l'estime de soi. Ahmed avait légèrement oublié sa leçon de tricot avec sa grand-maman, assis tranquille sur son sofa, tablette à la mains. Entretemps, Ahmed a commencé a hésiter, craignant le jugement de ses camarades si d'aventure ils apprenaient à quel nouvelle activité il se consacrait. Surtout Adrien, un sportif notoire qui a la vilaine manie de se moquer des autres garçons pour qui le sport n'était pas leur tasse de thé ou dans leurs habiletés. Néanmoins, ne voulant pas décevoir sa grand-maman, Ahmed s'initie doucement au tricot. Quelle n'est pas sa surprise quand ce même jour, la sœur d'Adrien, Flavie, débarque chez lui accompagnée de Guita, sa petite sœur. Ahmed craint de se faire narguer, mais au contraire, Flavie est rapidement impressionnée par ses premiers essais. Et ça tombe bien, car la jeune fille a eu l'idée de faire des foulards en laine pour les plus démunis, ce à quoi, à sa propre surprise, Amhed se propose de participer. Les trois jeunes gens finissent par devenir une sorte de petit trio de tricot. Ahmed est le plus habile des trois, à tel point que Guita, sa soeur, s'inquiète de terminer à temps. D'ailleurs, un petit passage anecdotique montre Ahmed prenant son temps pour couper des fruits ( qu'il adore) afin de donner du temps à sa sœur pour le rattraper. Malheureusement, son tricot est défait par son chat et c'est donc Ahmed qui est en retard, maintenant. Ultimement, Ahmed termine son œuvre et en est fier. Il décide de prendre les devants en annonçant lui-même à ses camarades de classe son nouveau champs d'intérêt. Il présente en exposé oral le projet qu'il a chapeauté avec Flavie et Guita et qui récolte un franc succès, au grand damne d'Adrien, désormais pas mal seul avec son idée qu'il faut être sportif quand on est un gars. En matière de diversité, franchement on est servis! Nous avons une rectitude dans les centres d,intérêts, plaçant le tricot comme une activité " à la portée de toute personne ayant dix doigts", et non un "truc de fille". Nous avons de la diversité ethnique avec cette famille à la peau foncée et aux noms exotiques, "Ahmed" signifiant en arabe « celui qui reçoit des louanges » ( tient, comme c'est de circonstance!) et Ghita ( dont les significations sont d'origines très multiples). Enfin, nous avons de la diversité corporelle avec la silhouette "enveloppé comme le meilleur chocolat" d"Ahmed, dont on mentionne d'ailleurs que c'est aucunement lié à son régime alimentaire, un trait d'union malheureusement trop souvent employé pour "expliquer" la physionomie généreuse des personnages. J'observe aussi une belle dynamique de famille, avec cette grand-maman présente pour ces petits-enfants et ce frère et sa sœur qui œuvrent ensemble sur un projet commun. J'observe également un volet social avec l'accès aux vêtements chauds pour les groupes vulnérables ou encore nos immigrants pas encore équipés pour nos hivers rigoureux. J'aime bien voir en littérature jeunesse que même les jeunes peuvent tout-à-fait embrasser des causes et participer activement au bien-être de leur communauté, s'initiant ainsi à l'engagement social. Je réalise aussi que j'ai plusieurs livres de madame Bourget au compteur, notamment avec deux autres membre de Petit Poucet, "Belle famille, Malik" et "Au chaud dans mon cœur", mais on lui doit aussi le très bel album de Noël "Nanouk l'ourson", la série policière "Esther et Ben" qui nous entraine un peu partout au Canada et les albums de Thao, sous la bannière La Bagnole. Et comme les autres Petits Poucet, nous avons des illustrations, ici sous le joli trait doux de madame Gendron, ainsi qu'une police plus grosse que la norme, dont certains termes plus pointus sont accentué par leur couleur bleu poudre, vert lime ou rose pamplemousse ( j'aime les noms de couleurs). Un autre bel ajout à la littérature débutante de la 2e année ( 7 ans), mais qui peut très bien convenir à la 3 ou 4 e année ( 8-9 ans) en classe d’accueil ou aux lecteurs ayant des défis en lecture. Pour un lectorat débutant, 1er cycle primaire, 6-7 ans+
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Botanica Drama

Par Thom
(4,42)
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Une autre sympathique trouvaille pour la maison de BD québécoise Pow Pow, un audacieux Sans Texte, dans un univers Fantasy loufoque et absurde. Dans un monde qui ressemble au nôtre, alors que le soleil est encore jeune, la nature évolue doucement pour donner à peu près les créatures vivante de nos jours. Dans ces débuts, la Faucheuse est déjà à l’œuvre, avec les moyens du bord, et fait la connaissance d'une drôle de bestiole qui ressemble à une fleur ( pétales obligent) humanoïde. Elles deviennent amies et traversent le temps jusqu'au temps où se déroulent les évènements principaux. Habitant un village juché sur une falaise façon Terre du Milieu, travaillant dans un café, la petite communauté vit sa vie jusqu'au jour où le soleil, ce gros tas de braise alcoolique qui a mal vieillit, revient d'une énième brosse avec ses copains planètes, bute avec son char sur les collines et finit dans un sommeil éthylique quelque part entre les deux. Et donc, le soleil ne se lève plus. Oups. Néanmoins, sans soleil, la petite plante se meure lentement. Sans soleil, des entités millénaires sortent de l'ombre pour attaquer la communauté. Dans le froid et dans la faim, les habitants pourront-ils trouver le moyen de réveiller l'astre solaire? Le monde est absurde, mais les vivants sont tenaces. Et le soleil a gravement besoin d'un psy, je pense qu'il fait un burn-out. À part ça, ça se lit bien, c'est humoristiquement absurde, effectivement dramatique et les personnages sont diversifiés et un peu cartoon. Une histoire d'amitié, qu'il faut lire entre les lignes à défaut de pouvoir ligne des lignes, merci aux sans textes! Pour un lectorat adulte, qui peut convenir aux ados et jeunes adultes.
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Les belles et les bêtes

Par Soman CHAINANI
(3,5)
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Quelqu'un comme toi

Par Helen Docherty et David Roberts
(4,0)
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Incontournable Janvier 2023 Voici un album jeunesse qui fait le parallèle entre ce qui nous rassemble et ce qui nous rend uniques, deux choses en apparence contradictoire, et pourtant! Nous avons plus en commun que de différences. Dans ce que nous avons en commun, les émotions. Tous les enfants ont des choses qui les mettent en joie, tous les enfants connaissent la tristesse et que dire des nombreux goûts et intérêts qui génèrent des émotions en tout genre! Nous avons en commun d'avoir une culture, d'avoir une sorte de famille et ce besoin d'être aimé. Pourtant, quand on regarde ces enfants qui ont tant en commun, ils ont aussi des différences: Certains aiment les jupes, certains ont des appuis pour leur locomotion atypique, certains ont des tuques rigolotes, certain.e.s aiment danser. Ils sont de toutes les couleurs, de toutes les ethnies et de toutes cultures. Les personnages se font "écho", soit positionnés dans les mêmes mouvements ou affichant la même expression faciale, alors que certains vêtements aussi présentent d'amusantes similarités. C'est si plaisant de les voir à la fois semblables et dissemblables, parce que c'est ça la vie, une formidable flopée de gens qui sont à la fois uniques dans leur fond, mais semblables dans leur forme. Néanmoins, quand on les voit, ce n'est qu final que des apparences, car quand on parle des émotions, des champs d’intérêts et des cultures, il y a beaucoup de choses en commun. L'équilibre entre ces deux pôles n'est pas toujours simple à percevoir, mais a priori, tous les enfants ont les mêmes besoins: la reconnaissance de leur valeur ( lié à l'estime de soi), la sécurité ( dans toutes ses formes) , un attachement sécurisant et la possibilité de grandir dans un milieu épanouissant. De là, il me semble qu'il convient de dire que nous sommes fondamentalement semblables. Dans l'album, on invite les enfants à se demander si leurs besoins étaient compromis ( par exemple de devoir quitter sa maison parce qu'une guerre a éclaté) , aurait-il l'empathie d'y penser? Est-ce qu'ils auraient ce qu'il faut pour faire un bon accueil à ces enfants en l'écoutant, en partageant et en étant ouverts? Avec des personnages hauts en couleurs, des textes très courts et simples, "Quelqu'un comme toi" interroge notre rapport aux autre et notre perception de la différence, tout en articulant une réflexion sur la notion d'empathie. Pour un lectorat à partir du préscolaire, 4-5 ans+
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Vainqueuse

Par Jean-Laurent DEL SOCORRO
(4,0)
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Incontournable Novembre 2023 Cynisca, fille d'Archidamos II, roi de Lacédémone, âgée de 7 ans, entreprend la formation qui fera d'elle une Spartiate, un privilège que seuls les garçons peuvent en temps normal recevoir. Victorieuse, elle promet à la déesse Orthia qu'un jour, elle portera une victoire en son nom. Devenue la meilleure cavalière de sa nation, Cynisca croit qu'elle pourra remporte une victoire sur le champs de bataille, mais la guerre, dans toute son absurdité, ne lui semble pas la voie à suivre. Que faudra-t-il à la guerrière et princesse pour trouver à la fois le moyen de tenir sa promesse et sa place dans une société encore si profondément divisé entre hommes et femmes? J'avais déjà lu "une pour toutes" du même auteur, alors je reconnais ce style "biographique" teinté de fantasy basse. Dans Une pour toutes, le Diable tenait compagnie à intermittence à Julie D'Auvigny, la personnage historique, et ici, nous avons Cynisca, princesse de Sparte, dont la vie est liée à la déesse de la fertilité et du monde sauvage, Orthia, déesse antérieure au panthéon grec et dont le nom est couplé à celui d'Artémis, ce qui ne lui plait pas du tout. Tout comme je l'ai vu avec le récit de Julie d'Auvigny, le style de narration de Jean-Laurent Del Soccorro, auteur italien, diverge du style narratif plus conventionnel. Dans Une pour toutes, qui avait une plume théâtrale, Vainqueuse a une plume royale, un peu tragique. J,ai du mal à mettre des termes précis, m'étant pas experte du monde des lettres, mais la façon qu'ont les personnages de se parler a quelque chose de très noble, de très classe. On n'a pas de mal à les imaginer droits de posture et soucieux de leur locution. Quand au temps, tout comme dans l'histoire de Julie, il s'agit de relater une histoire à saveur biographique, il y a donc un long espace temps, des 7 ans de Cynisca à ses 42 ans. Donc, dans sa structure, l'histoire est quelque peu atypique. Ce n'est pas forcément le livre le plus addictif, mais assurément un livre intéressant. Je pense que certains lecteurs et lectrices seront rebutés par son aspect narratif général, parce qu'il ne ressemble pas à un roman standard. On prend le temps de parler des normes sociales, des traditions et des enjeux politiques, car en demi-biographie, il faut remettre les choses en contexte. À cela s'ajoutent les termes étrangers et historiques, qui sont le propre des romans d'Histoire et qui ralentissent le rythme de lecture. Personnellement, ça me plait, car quand on plonge dans une histoire avec un contexte réel ou inspiré fortement du réel, on s'attend à être dépaysé et surtout, informés. Il faut cependant que je ramène ici ce que Del Socorro lui-même a précisé. L'histoire de Cynisca n'est pas dénué de libertés historiques ou d'une certaine "magie". Dans Vainqueuse, les Dieux existent, même s'ils et elles ne semblent guère se mêler aux mortels. Orthia, la déesse dont Cynisca veut auréolée de gloire, passe par de nombreux intermédiaires, objets et animaux, pour lui parler. Quand au contexte historique, s'il semble construit de solides recherches, reste que Del Socorro a prit certaines libertés quand au féminisme de cette époque. On peut penser notamment au fait que Cynisca, bien que réellement considérée comme la première femme a avoir gagné aux Jeux Olympiques, a probablement été représentée par une tierce personne, n'ayant pas participer elle-même. Euryleonis, une jeune spartiate qui apparait dans le roman , a cependant réellement remporté les Jeux à la cours de chars, en 396 et en 368 avant l'ère commune. Vous trouverez les précisions historiques à la fin et elles sont très intéressantes. L'une d'elle spécifie que rien ne prouve que l'agogée, formation réservée aux jeunes hommes, a pu être suivie par une femme, mais dans le roman, elles sont au moins deux ( Cynisca et Euryleonis). N'empêche que ça fait plaisir de lire sur ce groupe de femmes audacieuses et courageuses qui se sont unies pour s'élever contre un patriarcat tout-puissant et des règles extrêmement injustes. Épaulée de la Reine Cléora, ses deux filles, Prolyta et Eupôlia, la conjointe de longue date de Cynisca, la thrace Stratonice, et la jeune apprentie Euryleonis, Cynisca apprend à déjouer les limites imposée à son genre et gérer ses appréhensions. Elle a beau incarner la force si chère aux Spartiates, reste que c'est une femme vulnérable qui craint des choses, comme tout le monde. Ses quatre chevaux qui firent avec elle une course importante portent d'ailleurs les noms des Dieux associés à chacune des craintes qu'elle veut surmonter ou des vertus qu'elle souhaite défendre. Les liens qu'elle entretient avec ses frères, son amour pour son père et sa conjointe, sa promesse de remporter une victoire au nom d'Orthia et son désir de liberté sont autant d'enjeux qui habitent sa vie et qui sont au cœur de ses conflits intérieurs et des actions qu'elle entreprend. Il y a donc une grande composante psychologique et philosophique dans cette histoire, entre les difficulté du rôle royal, celui d'être une femme dans un monde sexiste et la crainte de sombrer dans l’oubli ( autant pour Cynisca que pour Othia, d'ailleurs). Il y a assurément une quête initiatique dans l'histoire de Cynisca, mais elle n'a pas le mauvais gout d'impliquer une solution simpliste ( comme de tuer un Gros Méchant). Cynisca tâche de trouver sa place et de défendre se convictions, et cela ne se fait pas en une fois, ni rapidement. Entre autres éléments qui m'ont plus, je note la grande complicité et complémentarité du couple composé de Cynisca et Stratonice, pas seulement amantes, mais aussi meilleurs amies et camarades de guerre. Elles évoluent ensemble et ne se chamaillent pas pour des futilités. Au contraire, je les ai trouvées matures, bonnes communicatrices et capables d'une confiance aussi grande que leur tendresse. Ça fait toujours du bien de voir des couples dont les enjeux sont en-dehors de leur couple et non dedans ( parce que plus souvent qu'autrement, ça devient toxique). Être conjoint.e.s, il me semble, c'est tenir un rôle complexe, mais qui, à terme, fait avancer les gens sur la voie de l'auto-actualisation. Et c'est que les deux femmes semblent s'être apporté. Petite mention spécial à Agésilas, le frère cadet de la fratrie de Cynisca, un personnage qui a su passer par-dessus une certaine tendance sexiste et qui rappelle que le patriarcat fait aussi des victimes chez les hommes. C'est donc un autre beau roman pour cet auteur qui affectionne les personnages féminins d'exception et leur apporter l'éclairage qu'elle aura bien méritées sur la scène historique. Un roman truffé de poésie grecque et doté d'un joli phrasé, qui présente une histoire réellement féministe. Pour un lectorat adolescent, à partir du premier cycle secondaire, 13 ans+
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La bande d'affreux de la rue Croque-Monsieur

Par Lili Chartrand et Annie Rodrigue
(4,0)
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Incontrôlable - Oups! Incontournable Janvier 2024 Merci à la maison Druide pour ce service de presse donné généreusement. La maison Druide nous propose un album jeunesse rempli d'anti-héros, des canailles en tout genre, des fripouilles hors-de-contrôle que vous espérerez ne jamais croiser - mais qu'on aime bien à l’abri des pages d'un album. À un détail près, j'affectionne ce livre, rédigé en acrostiches entre deux BD narratives. Monté comme une sorte de catalogue, c'est à la fois une histoire et un répertoire de personnages. Au début, la narratrice nous explique qu'elle cherchait l'inspiration quand des voix l'ont invitées à se rendre sur une rue mystérieuse, la rue Croque-Monsieur, vous vous en doutez. C'est ainsi qu'elle fit la connaissance de 13 enfants indéniablement affreux! Jurant sur leur poubelle préférée de ne point divulguer l'emplacement de leur rue, de ne point les photographier et d'écrire un livre à leur sujet, les enfants lui permettent de s'en sortir dans trop de séquelles, même si les nombreuses annotations en bas de page laissent entendre un peu le contraire... Le livre passe ensuite aux treize personnages, présentés en ordre alphabétique. J'aime bien la façon de donner des précisons à ce sujet: "Chacun voulant être le premier, j'ai suggéré cette solution" en ajoutant " voici [ ...] les 13 membres de cette bande au cœur tendre...c'est une blague, je voulais seulement faire une belle rime". Mais est-ce si "une blague" que ça... Je ne vais pas présenter les 13 au complet ( je n'ai pas assez de place), je vous présente donc mes deux préférés et comme je suis du genre équitable, je vous présente un garçon et une fille, les deux plus cools ( selon moi): Abominable Albert Albert a un sale caractère, Bien pire qu'une méchante sorcière. Où qu'il soit, il crie. Même quand il fait pipi. Il adore dérober, Neufs ou usagés, Autant des blagues que des dentiers! Bandit qui ne manque pas d'air, Le souhait le plus cher d'Albert Est d'embêter la terre entière *Je ne porte pas de bijoux et j'ai 28 dents. Ça me rassure énormément ( Note de la narratrice) Donc, Albert a un look d'enfer: Cheveux crépus, peau chocolaté, anneau à l'oreille, veston pelucheux, jeans troués au genoux, chaussures dépareillées, casque audio au cou, breloques aux poignets, il a l'air d'un voleur particulièrement espiègle, en atteste les dentiers encore baveux qu'il agite comme des maracas. Il l'air d'avoir du fun, en tout cas! Ignoble Irma Irma est la sœur jumelle d'Isabelle. Gare à son regard chargé d'étincelles! Ne la dévisage surtout pas trop, Ou, sur place, tu te figeras aussitôt. Brandissant gaiement deux paires de ciseaux, L'ignoble fille en profitera illico Et réduira tes vêtements en lambeaux!* *C'est étrange...Mon manteau a maintenant l'air d'un boléro à franges! ( commentaire de la narratrice) Irma, avec sa peau couleur café, sa coupe de cheveux funky, ses innombrables bouts de tissus battant au vent, deux aiguilles à la bouche et ciseaux pointus à la main, à aussi une jambe gauche artificielle. Enfin un personnage avec un prothèse! Trois fois hourra pour cette jeune fille stylée qui va faire compétition à Edward aux mains d'argent. Voici les 11 autres, sans leur acrostiches: Atroce Alice est une sorte de joueur de flute de Hamelin, mais sans la flute. Avec ses cheveux verts, sa peau claire et ses yeux globuleux, Alice est l'amie des rats et aiment leur ordonner d'investir les belles boutiques pour y semer la panique. Abject Archibald monte sur les toits sur ses maigrichonnes jambes et son ventre bien rond, dont le péché mignon est de jeter dans les cheminées les fromages les plus forts en personnalité ( ben oui, je sais faire des rimes moi aussi!). 'L'habile grimpeur aime aussi bien les œufs pourris et les pétards que les pantalons lignées et les nœud papillons ringards. Dégoutant Damien Heeeeuurrr....bweurk! Oula, je me sens pas très bien...donc, Damien...comment dire...il...bweuurg....aime se goinfrer d'à peu près tout ce qu'un humain ne mangerait jamais...en conséquence de quoi ses pets sont probablement aussi toxique qu'une Dark Romance....bweeeuuurr.... Détestable Déborah Que dire? C'est la peste dans toutes les histoires de filles, mais avec des pieds sales. Elle s'aime, elle est belle, elle le sait, elle en profite. La coquette qui n'a pas de cœur que pour elle-même, quoi, rien de très nouveau. Épouvantable Étienne Alors qu'Archibald enfonce des trucs immonde dans les cheminées, Étienne, plus audacieux, préfère catapulté des trucs infectes la voir des airs. Niveau habits, on dirait un homme d'affaire, ce qui, du haut d'une montgolfière, combiné à son teint et ses cheveux très claires, à de quoi donner un ulcère. ( Ouh, sur les rimes, je suis en FEU!) Horrible Horace Oho, voilà un autre habile grimpeur, mais Horace est comme un chat, ce qu'il cherche, ce sont des proies. Des petits oiseaux, de préférence. Et ensuite, il les rote. Burp! Il a des bottines de lutin, un chandail rayé qui lui donne vraiment l'air du Chat de Cheshire, un nez pointu, une grande souplesse, de grands yeux en amande et des bretelles ( toujours pratiques pour la grimpette). Hideuse Hortense Elle aime être repoussante, Hortense, en atteste le fait que si on hurle de frayeur, ça fait son bonheur. Son sourire carnassier, ses verrues sur les jambes, ses longues bandelettes qui ondulent dans le vent, elle fait fuir les araignées et les vampires, perchée en grue sur le toit d'un poste de vigie. Infâme Irène Irène crache, fouille dans son nez, dit des gros mots, tire sur les animaux et emmerde les bonnes manières ( vu les siècles de cours de bonnes manières imposés aux filles, je dirais que c'est de bonne guerre). Au diable la petite fille parfaite, cette petite brunette aime tout ce qui demande d'être lancée, si je me fis au panier de basket, aux cibles à fléchette et à la batte de baseball de son coin préféré. Infecte Isabelle Jumelle de Irma, Isabelle aime coller les choses: les insectes, les rats, les abeilles, les serpents, elle n,a pas froid aux yeux et semble avoir une ou deux notions de chimie. Elle a l'air d'une super-vilaine avec sa grande redingote rose, ses lunettes rondes et ses bottes jaunes, glu à la mains, tresses au vent! Sinistre Simon Lui, c'est le ténébreux. Il ne sourit pas, il ne rit pas, il broie du noir, ses pensées sont noires, bref, entre Simon et la Grande Dépression, je me dis qu'il y a des similitudes. Avec ses yeux rouges, sa redingote verte et son veston pourpre, ses cheveux rasé et son teint pâle, on dirait le Joker en plus jeune et en plus mélancolique. C'est le chef de la bande, il est dit qu'il déteste la fantaisie et les contes de fée, mais que ses partenaires de crime seuls peuvent lui arracher un sourire. "Diabolique", on dit de lui. Gardez ça en tête je n'ai pas finit de parler de lui. Terrible Thérèse Je parlais du Joker, il y a deux lignes? Voilà une demoiselle qui en est la digne héritière! Avec son air déjantée, et son pas léger sur les fils à haute tension électriques, y a pas à dire, Thérèse, elle aime ça "choqué". Son parapluie multi-niveau est une œuvre d'art digne du Cirque du Soleil, et cette ballerine casse-cou n'a pas l'air d'avoir toute sa tête...heureusement pour elle, vu la nature de sa passion. 9 mois plus tard ( référence d'adulte, héhéhé) la narratrice obtient des exemplaires. Elle espère que ces hurluberlus aimeront l'album, autrement, quel sort peu enviable serait le sien autrement? Elle dit qu'elle n'a jamais retrouvé la rue du Croque-Monsieur et que sa tablette contenant les 13 albums a été dévalisée. Ça sentait le moisi, des traces de boue maculaient le sol et une crotte de nez avait été collée à son bureau. "Leur façon de me dire merci, je suppose..." Des acrostiches accrocheuses, des illustrations pleine de vie et de malice, un nom de rue vraiment croustillant et des décors sinistres à souhait. Franchement, que demander de plus? Ah oui, il y a un petit "mais"... Donc, le "détail près" le voici: J'ai rédigé de nombreuses critique sur la sur-représentation dans les œuvres jeunesse ayant des "bad boys" et celui-ci, thème oblige, n'y fait pas exception. Simon, ce Chef ténébreux "diabolique" dépeint comme un cœur froid quasi dépressif, a malheureusement aussi été dépeint comme le seul personnage qui a le béguin pour la seule fille "jolie" de la bande ( selon les critères de la société, ce n'est pas mon avis personnel). Je ne comprend pas les autrices qui se sentent obligées de nous servir encore et encore le beau ténébreux incompris qui a néanmoins un cœur qui soupire d'amour...c'est incohérent et affligeant. On est dans un album avec des crapules, des anti-héros, des canailles égocentriques, c'était justement le temps de nous en faire un "VRAI" Bad boy, comme ils sont dans la vie: Égoïste, arrogant et surtout, "qui ne croit PAS en l'amour!". Pire que ça, Simon aurait le béguin pour la fille narcissique du groupe?? Et ce serait réciproque? C'est doublement illogique, les narcissiques n'aiment qu'eux-même, s'ils "aiment', c'est pour le gain qu'il en tirent. Arf! Ça me décourage, cet album était parfait sans cette remarque de "Je crois que Simon a un faible pour Déborah et vice-versa" avant d'ajouter "il a un look d'enfer ce gars là". Et après avoir blagué sur le fait que ce ne sont PAS des cœurs "tendres", en plus. Bah si, en fait, il y en a même deux. Bien sur, c'est LE "Bad boy", vous pouvez être SURS qu'il aura le look le plus cool, parce qu'on aime nous rappeler que c'est cool d'être noir, torturé et inaccessible. Je suis à "ça" de rédiger la liste des Bad boys ténébreux et torturés qui sont finalement des amoureux , vous verrez, c'est un fantasme tellement sur-représenté en jeunesse qu'il est devenu pandémique. C'est dommage car ce Simon présenté comme une sorte de Peter Pan obscure que rien d'atteint sauf le plaisir de sa petite bande de voyous était sympathique à mes yeux, mais il a fallut que je bute sur cette dernière phrase et il perd totalement son charme. Un peu maniaque sur les bords la libraire jeunesse? Oui, je le suis, je m'assume: la faute aux trop nombreux Bad boys romantisés et sexifiés, ils me sortent par les oreilles, le nez et les pores de peau. Et le fait qu'encore une fois, ce sont les deux personnages "beaux" qui se plaisent, ajoute en lourdeur. Avoir été n'importe quel autre binôme de cette bande, ç'aurait été original, mais là c'est juste incroyablement incroyablement déjà-vu. D'ailleurs, je réitère: À mes yeux, Irma et Albert sont bien plus "cool"! Donc, en dépit de ce dernier paragraphe qui a réveillé mon allergie à la glorification des Bad boy amoureux ( Arg! Ma peau! ), je l'aime bien cet album, n'en doutez pas. Je vais juste sournoisement biffer la mention que je trouve de trop, ohoho. Quoi?! Ne me jugez pas, c'est pour des raisons médicales, mon cœur n'en peu plus! Et puis, du reste, je suis dans le thème, pas vrai? Un album dégueux, contre-héroïque, fripouillard et gothiyeux sur les bords, idéal pour Halloween, les projets de profs sur les personnages, les amateurs de canailles en cavale, les gourmets amateurs de verre de terre, les impertinents qui s'ignorent et les cœur de monstre sympathiques. Une critique signée par: Votre espièglement loquace libraire jeunesse ( qui a peut-être un peu forcer sur le jeu de citrouille...) Pour un lectorat intermédiaire, à partir du second cycle primaire, 8-9 ans+ ( Mais en faire la lecture aux 6-7 ans peut se faire, bien sur, je pensais plus aux pistes d'écritures et au niveau de vocabulaire dans cette catégorisation)
Shaynning a apprécié, commenté et noté ce livre

La famille Jupi T.1 : Mon père est un Jupi

Par Alain Ulysse Tremblay et Marie-Ève Tremblay
(4,0)
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Incontournable Février 2024 D'abord, je remercie la maison Station T pour l'envoie de ce service de presse. Le petit roman que vous voyez ici est une réédition, sa première parution remontant à 2002, sous le même titre, aux éditions de la Courte Échelle. Après vérification sur le site de la maison Station T, ce roman est un tome 1, même si on ne voit pas de tomaison sur le livre. Jonas a dix ans et le moins qu'on puisse dire est que son père n'est pas un "travailleur" ordinaire. C'est un savant en astrophysique, en physique quantique, avec tout un attirail d'écrans dans le sous-sol pour mener des recherches. On l'entend même converser avec d'autres personnes dans une langue étrangère. Bien mystérieux tout ça, surtout pour Jonas. Néanmoins, Julien, son papa, est aussi un amateur de livres et de cuisine, mais surtout, d'histoires. Elles sont nombreux, colorées, très "spatiales" et certaines ont des connotations familières avec l'actualité, d'ailleurs. Il en raconte tout le temps, à tout le monde. Mais un jour, un malheur frappe et le monde de Jonas change. Si Julien a ce penchant pour les histoires abracadabrantes, dont la sienne, où il se place lui-même dans une espèce extra-terrestre, les "Jupis", reste qu'elles font parfois douter son entourage et même agacent certain.e.s. Mais, elles sont intrigantes: Parlez-en aux petits camarades de classe de Jonas, qui étaient perplexes au-début, à la limite de la moquerie. Pourtant, au troisième exposé oral, le fait d'être "déçus" par la soudaine "normalité" de l'exposé de Jonas illustre un certain enthousiasme de leur part pour les récits surprenants livrés par le jeune garçon. Ça me rappelle avoir vu le même phénomène dans "Mammouth rock", avec Louis et ses improbables enquêtes... L'adulte que je suis a surtout retenu la réplique de Julien qui dit en avoir besoin: "Ça me change tellement du travail, Jeanne, si tu savais..." Oui, je n'ai pas de mal à comprendre le besoin adressé par le papa, qui est dans un domaine très sérieux, ultra-cartésien et très concret. Au contraire, les histoires sont libres, elles peuvent changer de forme et faire intervenir le suprêmement inattendu comme l’étonnamment pertinent. Les histoires nous font évader, elles interrogent, elles amusent, surprennent, elles bousculent nos certitudes et questionne notre pensée critique. Je remarque que tous les personnages ne sont pas dupes, cependant. Certain.e.s savent que Julien "raconte des histoires" au sens figuré, mais en même temps, où le problème? Albert Einstein, lui même mathématicien de génie, disait : "L'imagination est plus importante que la connaissance car la connaissance est limitée tandis que l'imagination englobe le monde entier, stimule le progrès, suscite l'évolution." L'imagination nous porte plus loin et ne connait pas de limites, sauf les limites qu'on lui impose. Et j'ajoute qu'une histoire bien racontée, marquera bien plus profondément l'esprit que n'importe quelle leçon. Julien en dresse d'ailleurs une belle image en comparant l’imagination à un livre dont on peut gribouiller, dessiner et écrire dedans à l'infini. Ce qu'il tente de promouvoir à ses enfants, c'est de cultiver ce petit livre dans notre tête, dont chaque titre est unique. Attention , présence de divulgâches. Ce que j'ai aussi apprécié est la proximité de Julien avec son fils Jonas, avant "le drame". C'était un papa qui était présent et impliqué, mais qui était devenu de moins en présent en raison du travail. En un sens, ont observe un certain "retours à la norme" vers la fin, avec ce papa prit par son travail, où les histoires sont moins nombreuses, avant de disparaitre. La fin laisse un peu de place à ambiguïté: Si on fait des funérailles, si on pleure Julien, avec toutes ses histoires d'extraterrestre, y a t-il une part de Julien qui n'est pas réellement disparue? Dans la forme, j'aime beaucoup les très courts chapitres, spécialement pour moi qui suis la libraire de nombreux professeurs ayant des élèves à défis ou des lecteurs peu assidus. De courts chapitres permet de ne pas s'attarder trop longtemps et donne plus de pauses. J'aime bien cette bande de chiffre en haut des pages qui me rappelle ceux au-dessus des vieux ascenseurs, marquant à chaque fois à quel chapitre nous sommes. On sait donc, dès le début qu'il y a 15 chapitres et on monte tranquillement dans les chiffres. Le roman possède aussi des illustrations, toujours la bienvenue, pou mieux visualiser les personnages. Quand au texte, il est simple. Les phrases sont généralement courtes, il y a peu d’adverbes et beaucoup de phrases commencent par "Je" et il y a beaucoup de dialogues. Les nombreux noms de créatures extra-terrestres et planètes sont amusants. Il parait, si je me fis à ce que j'ai lu sur le site de la maison d'édition, que chacun des cinq tomes sera un personnage différent de la même famille ( donc, probablement Jonas, Jonathan ( le grand-frère), Jeanne ( la maman), Julien ( le papa) et Jog, le petit chien. Enfin, je présume. L'idée n'est pas en soit nouvelle, mais j'aime bien ce concept, au demeurant peu rependu. La première fois que j'ai vu ce genre de narration multipartite, c'était avec la pentalogie adulte "Le poids des secrets" d'Aki Shimazaki. Cinq versions, cinq séquences et cinq personnages narrateurs. Une tout autre façon de raconter une histoire, qui illustre une grande vérité en Histoire: Tout dépend de qui regarde, finalement. Bref! Une sympathique petite trouvaille sur le grand thème de l'imagination, de la famille et de la narration changeante, la "lentille-personnage" ( mais ça on va mieux le voir avec les quatre autres tomes, je pense). Pour un lectorat intermédiaire à partir du 2e cycle primaire, 8-9 ans+